Le cytomégalovirus, première cause de surdité non génétique en Suisse

18 août 2025
Publié le :
Banal et bénin, le cytomégalovirus devient potentiellement dangereux lorsqu’il infecte le fœtus au 1ertrimestre de la grossesse, affectant le cerveau et l’oreille interne. Un dépistage et un traitement de la mère quand elle est positive, limitent considérablement le risque de transmission à l’enfant.
C’est une maladie virale, bénigne et fréquente. Ainsi, chez l’adulte, elle se manifeste soit par un banal syndrome grippal, soit par… aucun symptôme. On considère ainsi, du fait de sa généralisation, que l’infection par le cytomégalovirus (CMV), un virus de la famille des herpes, atteint environ 50% de la population adulte, sans aucune conséquence notable. Sauf… chez les femmes enceintes. Car chez elles, une infection au cours du premier trimestre de leur grossesse peut se traduire par un impact important sur le fœtus, avec le risque de développer des atteintes neurologiques à des degrés divers et des surdités congénitales.
« Une femme enceinte qui contacte un CMV et qui n’est elle-même pas immunisée a une chance sur trois de le transmette à son fœtus, et parmi les fœtus infectés pendant la période à risque, 20% vont développer des séquelles. Au total, 7% des fœtus infectés au cours du 1er trimestre de la grossesse vont ainsi développer des séquelles », résume Léo Pomar professeur HES associé à la Haute Ecole de Santé Vaud.
300 à 400 enfants par an
Avec ces statistiques, on aboutit à un véritable problème de santé publique, puisqu’en Suisse, chaque année, 300 à 400 enfants naissent avec le CMV, donc 10 % soit feront l’objet d’une interruption de grossesse décidée par la maman en raison de l’infection, soit développeront des séquelles. « Le CMV est non seulement l’infection congénitale la plus fréquente en Suisse, mais aussi la première cause de surdité non génétique, explique Léo Pomar. Il faut savoir que 10% des enfants qui naissent avec le CMV sans présenter aucun symptôme risqueront de développer par la suite une surdité, même si fort heureusement, celle-ci sera aisément appareillable ».
Jusqu’à il y a une dizaine d’années, la science était impuissante face au CMV chez la femme enceinte. Il n’y avait en effet aucun moyen efficace de dépistage et aucun traitement à proposer aux mamans concernées. Seule action possible : se borner à adopter des gestes de prévention, en particulier en matière d’hygiène. Le CMV étant transmis par les fluides corporels (sang, lait maternel, urines, salive, selles etc.), les institutions de la petite enfance en sont les principaux lieux de propagation, et la principale recommandation était, et est toujours, de conseiller aux femmes enceintes d’éviter de partager les couverts des enfants, de les embrasser sur la bouche, de les accompagner au bain etc.
Au cours des dix dernières années, la donne a évolué. « La situation a beaucoup changé observe Léo Pomar. Nous disposons désormais d’outils de dépistage qui permettent de savoir si la femme enceinte fait l’objet d’une infection ancienne ou récente. Et puis surtout, en cas d’infection récente, nous avons depuis 3 ans, un traitement antiviral qui permet de considérablement limiter le passage du virus à travers le placenta. Depuis deux ans que nous administrons ce traitement au CHUV et dans des cabinets médicaux, nous n’observons quasiment plus d’amniocentèse positive au CMV, cet examen permettant de poser le diagnostic chez le fœtus. Cependant, ce traitement étant donné à haute dose pour pouvoir passer le placenta, il nécessite une information éclairée, une éducation thérapeutique et une surveillance étroite pour éviter des effets secondaires chez la femme enceinte, comme par exemple une insuffisance rénale».
Dépistage systématique
En résumé, la médecine est désormais capable de dépister correctement l’infection au CMV, de la traiter et même dans le cas où le fœtus est infecté, de prédire précocement s’il développera des séquelles ou pas.
Conséquence logique : de plus en plus de pays procèdent à un dépistage systématique du CMV chez la femme enceinte. « En Suisse, le dépistage n’est pas systématique mais il est de plus en plus généralisé, même si nous espérons que la Confédération émettra bientôt des recommandations de dépistage systématique », note le professeur Pomar qui ajoute : « Dans l’intervalle, la société suisse de gynécologie a émis des recommandations plaidant en faveur de l’information systématique en matière de suivi sérologique pour les femmes enceintes ou qui souhaitent le devenir. Car le paradoxe est que toutes les femmes connaissent la toxoplasmose mais bien peu le CMV, alors qu’elles ont dix fois plus de risque de le contracter en début de grossesse.»