«Les médecins ORL devraient penser plus souvent à la lecture labiale»

14 juillet 2025
Publié le :
Enseignante spécialisée, Claudine Kumar a durant plus de 30 ans formé des dizaines de malentendants à l’art de lecture labiale. Cet indispensable complément aux appareils auditifs est malheureusement trop peu connu des médecins.
Comment définiriez-vous la lecture labiale ?
J’estime que la définition courante de la lecture labiale, comme étant la « reconnaissance de la parole par le décodage des mouvements des lèvres » est trop restrictive par rapport à la réalité. Pour ma part, j’élargirais le champ en disant plutôt qu’il s’agit d’une aide qui permet à la personne malentendante de participer activement à la vie quotidienne, qu’elle soit familiale, sociale et/ou professionnelle.
Et comment s’exprime cette aide ?
Aussi bien la déficience auditive que l’appareil auditif ou l’implant cochléaire provoquent des distorsions et des informations auditives souvent déformées, voire méconnaissables. La lecture labiale vient compléter les informations données par les appareils auditifs ou les implants et elle est même dans certaines situations le seul moyen de percevoir et comprendre le langage.
Commet s’effectue son apprentissage ?
Maîtriser la lecture labiale ne s’improvise pas. La lecture labiale s’apprend, en partant du principe que le but de toute personne sourde, devenue-sourde et/ou malentendante est de comprendre, en temps réel, le discours de son interlocuteur. Cette démarche implique une connaissance intime de la langue et de son fonctionnement, car il n’est pas possible de lire sur les lèvres comme on lit dans un livre. Il y a donc trois objectifs à atteindre : percevoir ce qui peut être vu, interpréter ce que l’on a perçu et compléter ce qui n’a pas été vu car la suppléance mentale joue un très grand rôle. En assemblant les syllabes lues et éventuellement en les modifiant, le malentendant finit par former des mots et des phrases, ce qui lui permet de saisir la pensée de son interlocuteur.
Quel est le rôle d’une enseignante en lecture labiale ?
Notre rôle ne consiste pas seulement à apprendre à décoder les mouvements des lèvres, mais d’accompagner l’apprenant dans le développement de multiples compétences, comme sa capacité linguistique, sa connaissance du sujet, sa capacité à faire un tout avec des fragments de mots, et sa capacité à substituer des indications visuelles en indications auditives. L’enjeu est ainsi de le conduire sur un chemin qui le mènera à reprendre confiance en lui.
Quand faut-il avoir recours à l’apprentissage de la lecture labiale ?
Le plus tôt possible, car plus tôt les compétences sont acquises et mieux c’est pour la personne malentendante et sa réinsertion dans la société. Il est dommage que les médecins, en particulier les ORL ne pensent pas plus fréquemment à informer les patients de l’existence de cet outil si utile. Pourtant, sur ordonnance, l’Assurance invalidité rembourse 40 heures d’apprentissage en tant que « frais d’entrainement à l’utilisation d’un moyen auxiliaire ». La condition est que la demande soit effectuée dès le 1er appareillage.