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« Tout dans mon parcours a été difficile ! »

4 décembre 2021

Publié le :

Âgé de 26 ans, Jocelyn Héritier vit à Miège en Valais.  Sourd de naissance et implanté cochléaire, il a pas moins de deux CFC dans la poche, arrachés à force de travail et de volonté. Rencontre avec un jeune homme confiant, bien dans sa peau dont le hobby principal est le… théâtre. Comment es-tu devenu malentendant ? En fait je suis né sourd, et j’ai été implanté à l’âge de 4 ans et demi. Connais-tu l’origine de cette surdité ? Non, je suis le seul malentendant dans toute ma famille et ma mère pense qu’il doit probablement s’agir d’une malformation consécutive à une maladie survenue durant sa grossesse. Comment a été diagnostiquée ta surdité ? J’avais 9 mois quand ma mère s’est rendu compte que je ne réagissais pas aux sons, alors que très tôt, je ressentais les vibrations. Très vite un médecin a ensuite posé un diagnostic de surdité, c’était en 1996. Ensuite à Lausanne il y a eu beaucoup de discussions avec le médecin du CHUV où j’avais été envoyé, mais nous pensons qu’il nous a cachés que l’implant cochléaire existait. Du coup ce que n’est bien plus tard, lors d’une rencontre entre sourds, que ma maman a croisé un enfant implanté. C’est là qu’elle a compris qu’un miracle était possible (rires). J’ai donc ensuite été implanté à l’âge de 4 ans et demi à Berne. Tu parles particulièrement bien, au point que l’on n’a pas du tout l’impression que tu es implanté… Ah pour ça, il a beaucoup fallu travailler ! Ma maman m’a énormément soutenu et on a beaucoup, beaucoup parlé tous les deux. Et puis ensuite, c’était le travail une fois par semaine avec la logopédiste pendant des années et des années, jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire… Justement, comment s’est déroulée ta scolarité ? Toujours avec des entendants ! J’ai été en maternelle puis à l’école primaire jusqu’à la 6ème, que j’ai dû redoubler en raison de résultats insuffisants. J’ai donc refait l’année, mais cette fois avec l’aide d’un interprète LPC et là, j’ai pu intégrer le cycle. Et ensuite qu’as-tu fait ? J’ai fait un apprentissage de mécanicien de production, un métier qui permet de fabriquer des pièces métalliques sur des machines manuelles. En fait, c’était mon responsable d’apprentissage qui m’a orienté vers cela parce que c’était plus facile qu’un apprentissage de polymécanicien. Du coup de 2011 à 2014 j’ai suivi mes cours à Lausanne et en 2014 j’ai décroché mon premier CFC. Parce que tu en as un autre ? Oui, juste après mon CFC de mécanicien de production, j’ai enchainé avec une passerelle en trois ans, cette fois à Sion et j’ai pu avoir comme cela, en 2017 un 2e CFC de polymécanicien !  Et depuis, je travaille en entreprise… Cela fait un très beau parcours. Mais tout n’a pas été facile non ? Tout a été difficile ! D’abord être très souvent le seul sourd/malentendant avec des entendants ce n’est vraiment pas facile du tout, surtout quand ils échangent rigolent entre eux et tout, et que moi je ne comprends pas leurs blagues. On se sent très vite exclu dans ces cas-là ! Et puis les études ont été ardues, parce qu’en fin de journée, j’étais épuisé et ce n’était pas évident du tout de pouvoir réviser et travailler mes cours… Et comment as-tu fait ? Pour moi, le plus important c’était de dormir tôt pour pouvoir être en forme le lendemain. Du coup, pour gagner du temps durant mon premier apprentissage, je faisais mes devoirs dans le train. Ensuite pour le 2e CFC, comme j’étais dispensé du cours de culture générale que j’avais déjà fait, j’avais un peu de temps pour travailler à la cafeteria. Comment vois-tu ton avenir professionnel ? Là franchement, travailler avec beaucoup de bruit en permanence du matin au soir est très très difficile pour moi. Du coup j’envisage une reconversion professionnelle. Comme je veux profiter de mon expérience antérieure de travail, je pense me former comme dessinateur constructeur industriel, ce qui me permettra de travailler dans un environnement moins bruyant. Que fais-tu comme loisirs, en dehors de ton travail et des études ? Pendant l’école j’ai fait beaucoup de unihockey, mais j’ai dû arrêter faute de temps en commençant mon apprentissage. Ensuite pendant mes études, je me suis un peu replié sur moi-même et j’ai passé une phase difficile parce que j’avais beaucoup perdu confiance en moi.  Alors pour avancer, je me suis fixé un défi, et je me suis mis à faire du théâtre… Du théâtre ??? Eh oui, et en plus du théâtre avec des entendants (rires) ! Au début, c’était avec la boule au ventre que je montais sur scène d’autant qu’on a commencé avec du théâtre d’improvisation, ce qui était l’expérience la plus difficile de ma vie. Mais le théâtre m’a été très utile pour me débloquer et prendre confiance en moi, et c’était vraiment un beau chemin, même si on a dû nous interrompre à cause du covid. Mais bon du coup, l’année passée je me suis mis à apprendre la langue des signes !
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