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Rachel Millo, autonome envers et contre tout

2 février 2022
Publié le :
Née à Satigny (GE), il y a 24 ans, Rachel Millo est sourde et implantée cochléaire. Horticultrice par tradition familiale mais aussi par passion, très indépendante et travailleuse, elle vient de décrocher en plus un diplôme d’architecte paysagiste.
Comment êtes-vous devenue sourde ?
A l’âge d’un an et demi, j’ai contracté une méchante méningite. A la suite des médicaments que l’on m’a donné à l’hôpital, j’ai perdu l’ouïe, je suis donc devenue sourde profonde. Les médicaments m’ont sauvé la vie, mais m’ont rendue sourde !
Comment vos parents s’en sont-ils rendu compte ?
Je ne réagissais plus lorsqu’ils me parlaient, comme je le faisais avant la maladie. Et ce qui les a encore plus inquiétés, c’est que je n’émettais plus de sons.
Vous avez été appareillée ?
Non, dès l’âge de deux ans, j’ai été implantée à Genève. J’ai donc un implant cochléaire à gauche. Et on m’a conseillé de ne pas toucher à l’oreille droite pour la garder intacte dans le cas où la science progresserait encore…
A vous entendre, on a du mal à croire que vous êtes sourde…
Oui, c’est vrai, j’entends très bien, mais c’est grâce à mon oreille électronique (rires)…
Comment s’est déroulée l’école ?
J’ai fait beaucoup de LPC et j’ai même eu une codeuse à l’école. Mais un jour, celle-ci s’est aperçue que je ne la regardais même plus, puisque je suivais ce que disait la maîtresse grâce à l’implant et à la lecture labiale, d’autant qu’on veillait toujours à me placer tout devant. Je n’y ai donc plus eu recours et je me suis débrouillée comme ça. Idem pour la logopédie, j’ai décidé d’arrêter à l’âge de 15 ans et de me débrouiller toute seule. Du coup, j’ai fait beaucoup de pratique et ça m’a permis de bien parler aussi.
Et avec vos camarades de classe ?
Eh bien, j’étais différente donc plutôt exclue ! Mais cela m’a poussée à être plus autonome, car je ne pouvais compter que sur moi-même. J’ai toujours été dans un monde d’entendants et d’ailleurs ce n’est que très récemment que j’ai découvert avec plaisir celui des malentendants et sourds, avec lesquels je sors désormais beaucoup.
Qu’avez-vous fait à la fin de votre scolarité obligatoire ?
J’ai décidé de faire l’Ecole d’horticulture de Lullier à Genève, pour devenir horticultrice…
Pourquoi ce choix ?
D’une part j’aime beaucoup les plantes, et d’autre part, c’est une tradition familiale. Mon père est horticulteur et moi-même je représente la 4e génération (rires)… Au bout de 4 années de formation, j’ai obtenu – c’est la règle dans cette Ecole professionnelle – une maturité professionnelle et deux CFC, l’un en floriculture, l’autre en paysagisme….
Cela n’a pas été trop difficile ?
Si quand même, d’autant que pour beaucoup de cours, il n’y avait pas, ou peu de supports écrits. Du coup, c’était beaucoup de travail, mais heureusement les enseignants et les responsables de l’école m’ont beaucoup soutenue, et les autres élèves aussi, avec lesquels on s’entraidait volontiers.
Finalement vous vous en êtes bien sortie…
Oui, même si le plus dur, ça a été les langues. En français, j’ai toujours le repère et le support de la lecture labiale. Pour l’anglais ou l’allemand, je n’avais que mon ouïe et cela me demandait beaucoup de concentration !
En 2016, vous êtes diplômée et officiellement horticultrice…
C’est ça. Et comme j’avais encore envie d’étudier, j’ai hésité entre une filière d’ingénieur agronome, plus en continuité avec l’horticulture, ou alors d’architecte-paysagiste. Pour me donner du temps, j’ai un peu travaillé dans l’entreprise familiale, puis je suis allé six mois en année sabbatique aux Etats-Unis, en Californie, pour améliorer mon anglais.
Et finalement à votre retour qu’avez-vous décidé ?
J’ai fait un stage dans un bureau d’architecte-paysagiste et ça m’a donné envie de faire ça parce que c’est très créatif. J’ai donc suivi la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève et j’ai décroché mon diplôme ce printemps, en 4 années d’études au lieu de 3 car j’ai dû refaire la dernière année !
Et depuis ?
Je cherche du travail, en postulant un peu partout, mais ce n’est pas facile car les employeurs cherchent d’abord des personnes ayant une expérience. Heureusement, je commence un contrat à durée déterminée de 4 mois dans un bureau à Lausanne, où exerce la prof qui m’a suivie pour mon travail de Bachelor.
Votre handicap auditif ne pose-t-il pas de problème ?
Non, j’explique seulement que le téléphone fixe ou bien les séances de travail à plus de 5 personnes sont difficiles pour moi. Mais au bureau où je vais aller, nous serons 5 au total, c’est donc idéal pour moi (rires) !
Ne pensez-vous pas reprendre un jour l’entreprise familiale ?
Oui peut-être plus tard, dans dix ans, quand mon père prendra sa retraite. Mais dans un premier temps, il faut que j’accumule de l’expérience, c’est la priorité.
Finalement, vous rendez-vous compte que votre parcours est quand même exceptionnel ?
Oui bien sûr, mais c’est grâce au soutien de ma famille et aussi grâce à mon caractère parce que j’aime être autonome.
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