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Permis de conduire: le flou artistique

15 mai 2012

Publié le :

Chaque année en Suisse romande, plusieurs dizaines de sourds ou malentendants sont candidats à l’obtention du permis de conduite automobile. Fédéralisme oblige, les conditions varient d’un canton à l’autre, même si dans tous les cas, les frais médicaux supplémentaires sont à la charge des malentendants. C’est une petite mésaventure, qui a finalement trouvé une issue heureuse, mais qui en dit long sur les difficultés que peuvent rencontrer les sourds ou malentendants dans leurs démarches administratives de la vie quotidienne. En 2011, la jeune Justine Aymon, infirmière de profession et malentendante (lire notre article « Les Jeunes ont la parole » aux écoutes 52, juillet 2011), décide de passer son permis de conduire. Pour ce faire, l’administration lui rappelle qu’en plus des conditions auxquelles sont soumis tous les candidats, les dispositions législatives du canton du Valais où elle réside imposent que toute personne souffrant d’un handicap auditif subisse au préalable un contrôle médical. Seulement voilà: lorsqu’en avril 2011, la jeune candidate se présente au centre d’expertises médicales de l’hôpital de Sierre, quelle n’est pas sa surprise de se rendre compte qu’il n’est procédé à aucun contrôle de son audition. En revanche, elle a dû répondre à un questionnaire fondé essentiellement sur la consommation de drogues, d’alcool ou de médicaments. L’anecdote aurait pu prêter à sourire si elle n’avait dû s’acquitter pour cet examen requis par la loi mais qui n’a en aucun cas évalué ses capacités auditives, de la rondelette somme de 170 francs, entièrement à sa charge et à acquitter sur place. Issue heureuse « J’ai été profondément choquée de ce procédé, s’insurge-t-elle. En tant qu’infirmière, je m’en serais bien entendu rendue compte: à aucun moment, mon audition n’a été contrôlée ! » Décidés à ne pas se laisser faire, Justine Aymon et son père Michel décident de faire parvenir un courrier de réclamation à la conseillère d’Etat en charge du Service de la Circulation routière et de la Navigation. Et quelques semaines plus tard, parvient une réponse on ne peut plus explicite, puisqu’il semble que l’examen de l’audition exigé était tout simplement… superflu. « Après analyse de ce dossier, peut-on lire dans le courrier adressé à Michel Aymon, il s’avère que ce contrôle n’était pas indispensable. Si pour l’obtention d’une catégorie de permis de conduire professionnelle, un problème de surdité doit effectivement être éclairci, votre fille a fait toutefois une demande pour un permis de conduire d’une catégorie non professionnelle (permis B). Dans cette éventualité, la surdité ne constitue un motif de refus que si le candidat est atteint d’une vision monoculaire ». Résultat: Justine reçoit non seulement une demande d’excuses de la part de l’autorité cantonale, mais se voit également rembourser les émoluments facturés. Flou artistique Pour heureuse qu’elle soit, cette issue ne doit néanmoins pas occulter le flou artistique qui entoure l’évaluation de l’aptitude à la conduite des personnes sourdes ou malentendantes. D’autant que chaque année, ils sont plusieurs dizaines de malentendants en Romandie à espérer obtenir le précieux sésame. Si en Valais la visite médicale ne semble donc pas indispensable à l’obtention d’un permis de catégorie non professionnelle, en revanche, Genève, Vaud et le Jura exigent tous, soit la production d’un certificat médical attestant des capacités du ou de la candidate, soit carrément un examen médical pratiqué par un médecin conseil agréé, comme c’est le cas à Genève. « Sur le certificat médical, précise Didier Leibzig directeur de l’Office cantonal des automobiles et de la navigation genevois, le médecin devra indiquer si le candidat est porteur d’une prothèse auditive, s’il doit bénéficier d’une théorie individuelle et s’il peut être dispensé des courses d’apprentissage avec un moniteur de conduite ». Dans les cantons de Vaud et du Jura en revanche, les autorités exigent que le candidat fournisse un certificat médical délivré soit par un généraliste, soit par un spécialiste ORL, attestant que le candidat est « tout à fait capable de conduire un véhicule automobile ». Injustice Demeure enfin une injustice, retrouvée dans tous les cantons. Qu’il s’agisse d’une visite médicale ou de la production d’un certificat, les émoluments demandés, en moyenne entre 100 et 170 francs, restent à la charge exclusive du candidat, même si Genève affirme assumer les frais d’interprètes dans le cas où ceux-ci s’avéreraient nécessaires. Conclusion: avant de s’engager dans une procédure d’obtention du permis de conduire, et pour s’éviter des dépenses supplémentaires inutiles, les malentendants ne doivent pas hésiter à se renseigner auprès du service des automobiles de leur canton et à vérifier que les documents réclamés répondent bien à leur législation cantonale. ChA
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