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Les enseignes d’audioprothèse prolifèrent en Suisse romande

10 mars 2021
Publié le :
Les malentendants ont pu le constater : au cœur des principales villes romandes, les audioprothésistes sont de plus en plus nombreux. Cette prolifération est le fait de grandes chaînes qui s’installent, au détriment des audioprothésistes indépendants.
« Quand j’ai commencé à travailler il y a une vingtaine d’années, il devait y avoir 6 à 8 audioprothésistes à Genève. Aujourd’hui, ils sont au moins entre 30 et 40 ». Ce constat d’un ORL genevois installé dans un quartier cossu de la Cité de Calvin, nombre de malentendants le font également : les audioprothésistes prolifèrent en Suisse ces dernières années. Il suffit de se promener dans les centres-villes des cités romandes pour en faire intuitivement le constat. « C’est vrai, il y a une nette augmentation du nombre d’audioprothésistes dans les centres de villes comme Lausanne ou Neuchâtel, confirme un acousticien indépendant. Ce qui me surprend, c’est qu’il se localisent tous dans les centres où il y déjà pas mal de concurrence, alors qu’il y en a bien peu dans les territoires périphériques où le pouvoir d’achat de la population est plus faible ».
Potentiel important
Selon l’association faîtière Akustika qui compte à elle seule 80 membres-entreprises, ils sont aujourd’hui près de 600 à exercer cette profession en Suisse. Un chiffre qui interroge sur l’attrait nouveau exercé par un métier, naguère peu connu et peu valorisé et qui s’explique clairement par l’existence d’un marché de plus en plus important. D’une part en raison du vieillissement progressif de la population, mais aussi en raison du succès des opérations de sensibilisation menées depuis plusieurs décennies. « La population prend peu à peu conscience que la correction de la perte auditive relève de la bonne santé globale et pas seulement d’une simple question de confort, constate un autre audioprothésiste, cette fois installé en Valais. Les personnes qui en ont besoin, font donc plus facilement la démarche de se faire appareiller ».
« Le potentiel est important car, en principe, tout le monde est sujet à une perte auditive liée à l'âge et l'espérance de vie qui augmente régulièrement, ajoute Christoph Schönenberger responsable d’Akustika, l’association suisse des audioprothésistes. En outre, c’est un métier qui attire car il relève d’un bon mélange entre la technologie et le contact avec les clients ».
Mais il y a autre chose : « Je ne vois qu’une raison qui explique la prolifération des audioprothésistes, c’est le gain qu’ils peuvent réaliser, assène notre ORL genevois. Comme dans tous les métiers, il y a des personnes honnêtes et d’autres qui ne le sont pas, comme ceux qui par exemple essayent de placer des appareils ultraperformants et très cher, chez des patients âgés qui n’en ont pas forcément ni le besoin ni l’usage ».
Grandes enseignes
Sauf que la manne de l’audioprothèse ne profite pas à tous les acousticiens de manière égale. Et à y regarder de plus près, l’augmentation du nombre d’enseignes observées au cours des deux dernières décennies bénéficie bien plus aux grandes chaînes qu’à des audioprothésistes indépendants. Pour ces derniers en effet, l’installation à leur compte implique une énorme prise de risques professionnelle et financière, pas forcément suivie d’un retour sur investissement. « Je travaille plus de 50 heures par semaine, lance une jeune acousticienne qui s’est installée il y a deux ans à la Chaux-de-Fonds. Et c’est très exigeant : il faut être non seulement audioprothésiste, mais aussi entrepreneur, comptable, et surtout savoir faire du marketing. Je joue gros dans cette aventure ».
A l’association Akustika par exemple, on observe une baisse du nombre d’adhérents ces dernières années. « Cela s'explique en grande partie par le fait que les petits magasins ont du mal à trouver un successeur, note Christoph Schönenberger. Et souvent, les magasins spécialisés sont rachetés par des chaînes de magasins. Ainsi, alors qu'il y a de plus en plus de magasins spécialisés en nombre, le rapport entre les magasins gérés par leur propriétaire et les chaînes de magasins évolue ».
Rabais et lunetterie
Comment font donc ces grandes chaînes pour s’imposer dans un marché certes de plus en plus étendu, mais très concurrentiel ? Plusieurs pistes se dessinent pour répondre à cette question. D’abord, il y a les grosses marges que seraient capables d’obtenir ces grandes enseignes auprès des fabricants d’appareils auditifs qui, par effet de volume, leur consentent des rabais bien plus intéressants que ceux proposés aux indépendants. En outre, « ces chaînes ont les reins bien plus solides que des indépendants et peuvent donc s’installer sans garantir que leur activité sera pérenne, explique notre audioprothésiste valaisan. Le tout, en mettant en place des actions de marketing d’une très grande ampleur ».
Et puis à bien y regarder, un grand nombre de ces nouvelles enseignes d’audioprothèse pratiquaient au départ… de la lunetterie. Leur modèle d’affaire repose donc sur une activité mixte, qui leur permet de diversifier leur activité, d’optimiser les dépenses déjà consenties dans un loyer, et de favoriser les reports de clientèle de la lunetterie vers l’audioprothèse et vice-versa. Selon nos informations, la très grande majorité de leur chiffre d’affaire repose d’ailleurs encore sur la lunetterie, l’audioprothèse représentant à peine 20 à 30% de leur activité.
Reste un constat final : la concurrence exacerbée qui se livre aujourd’hui dans le monde de l’audioprothèse ne bénéficie pas aux malentendants : selon l’Office fédéral des assurances sociale, les prix des appareils auditifs demeurent désespérément élevés en Suisse.
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