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Des victoires rythmées

6 octobre 2017

Publié le :

Malentendance, appareillage, opérations, musique, un parcours en clé de sol pour Isabelle Vauthey, rythmé par de hautes études et différents postes de travail dans le vaste domaine social et sociétal. C’est dans le cadre de la rencontre des Amicales et Associations romandes des Malentendants 2017, organisée par l’Association fribourgeoise des Malentendants, AFM, le 23 septembre dernier, que j’ai rencontré la pétillante et dynamique Isabelle Vauthey. Portrait d’une femme persévérante et bienveillante, dotée d’un solide cursus et de multiples bagages professionnels, malgré des années de malentendance. Experte dans le domaine social et sociétal Originaire du Vietnam, Isabelle est adoptée vers l’âge de deux ans et grandit dans dans un environnement sain et une famille aimante, à proximité de Fribourg. Toute jeune, elle suit des leçons de piano puis, à l’adolescence, de violon. Avide de connaissances, elle réalise des études dans plusieurs voies ; pédagogie, psychotrauma et migrations, droit, assurances sociales et elle prépare actuellement son Bachelor en Travail social. Plus encore, l’enseignement, les interventions sociales, les missions humanitaires à l’étranger (ONG) et au sein de la Croix-Rouge sont autant de casquettes que cette boulimique du travail effectue pour le soutien et le respect à l’humain et, peut-être aussi, par revanche sur son passé marqué par la guerre et le deuil. Après avoir notamment exercé ses compétences au Tribunal des mineurs de Fribourg, Isabelle est aujourd’hui éducatrice et responsable pédagogique auprès d’une maison d’éducation pour jeunes (âgés de 16 à 25 ans), reconnue par le Département fédéral de Justice et Police, ainsi que par le Département de la Santé Publique et des Affaires Sociales du canton de Fribourg. Reconnaître sa malentendance Des quelques années d’enseignement au retour d’une mission humanitaire à Calcutta en 1997, la jeune femme travaille principalement auprès d’enfants qui ont des voix aigües. A aucun moment elle ne se doute d’une quelconque perte auditive des sons graves. Elle collabore ensuite dans un univers administratif, dans lequel elle ne comprend progressivement plus les paroles de ses collègues masculins. Ainsi, à la place d’aller vers eux pour discuter, elle esquive et préfère les appeler en interne pour mieux les comprendre. Plusieurs personnes de son entourage privé et professionnel commencent à lui faire des réflexions sur ses difficultés auditives. Même son fils lui demande régulièrement de baisser le volume de leur vieux poste TV poussé au maximum et qu’elle croyait à bout de souffle. C’est toutefois après une conférence qu’elle présente, dans l’obscurité quasi-totale où seul le rétroprojecteur semble émettre des bruits de sa soufflerie, que son directeur lui demande pourquoi elle n’a pas répondu aux questions posées par l’auditoire. « J’ai été d’abord choquée de n’avoir rien entendu, mais je ne voyais pas les mouvements du public), et je n’ai surtout pas eu le courage de me remettre en question», explique Isabelle. En fait, elle savait qu’elle cherchait toujours des excuses à ses manquements auditifs. « Après cette Xème et percutante remarque, j’ai décidé de faire un contrôle auditif directement suivi d’une visite chez l’ORL, qui m’a annoncé que le problème était sérieux. A ce moment-là, je me suis sentie sans pedigree, telle une orpheline dans l’impossibilité évidente de savoir si ma perte d’audition était d’origine génétique ». Seule face à l’AI En 1998, à peine âgée de la trentaine, Isabelle entame des démarche auprès de l’AI. Sans explications claires, on lui annonce qu’elle a droit à une telle sorte d’appareillage, point barre. « Je me suis heurtée à un mur de sons, c’est le cas de le dire. Une fois les appareils posés, j’ai (ré)entendu des bruits terribles ; en fait, je découvrais simplement les bruits quotidiens : les pas, les portes, les tiroirs…, c’était infernal et mes appareils auditifs intra auriculaires ne me convenaient pas du tout ». La jeune femme se bat pour obtenir d’autres alternatives ou simplement des appareils plus adéquats, mais l’AI n’entre plus en matière. Elle va finalement verser CHF 6'000.- de sa poche pour l’adaptation d’un appareillage qui lui convient tant pour la vie quotidienne que pour le travail. « Je n’ai reçu ni conseil, ni appui. Je ne souhaite à personne de traverser ce désert médico-administratif ! ». Au cours de ses revendications, elle décide de devenir spécialiste en assurances sociales et passe son Brevet fédéral pour comprendre les disfonctionnements et les manques d’informations sur les droits des personnes malentendantes. Dans l’intervalle, elle subit l’effet Larsen au niveau du conduit auditif ; des fuites de sons qui sont reprises par le micro de l’appareil et amplifiées, et cause des sifflements. Elle doit alors arrêter de jouer du violon, mais persévérante, elle poursuit sa musique au piano. Une rencontre fortuite lui explique qu’il existe des cours de lecture labiale dont elle ignorait l’existence, merci l’AI, et fait connaissance avec l’Association fribourgeoise des Malentendants qui cherche à se reconstituer. Elle s’investit alors au sein du comité renouvelé de l’AFM, avec lequel l’association renaît sous un air nouveau, avec fraîcheur, enthousiasme et détermination. Opérations 100% réussies Fin 2006, lors d’un contrôle annuel, l’assistant remplaçant de son médecin ORL lui parle de tests par vibrations osseuses et d’une opération possible au niveau de l’oreille moyenne. Février 2007, elle subit une première intervention à l’oreille gauche, afin de réduire l’arthrose en remodelant la cavité osseuse et en remplaçant les osselets par un système de pistons. « J’ai d’abord vécu une sensation désagréable d’acouphènes, j’avais l’impression d’avoir un réacteur d’avion dans la tête ». Trois mois de patience plus tard, on lui diagnostique une nouvelle audition à 100%. En décembre de la même année, Isabelle subit l’opération de l’oreille droite. « Juste après cette seconde intervention plus conséquente, j’ai perdu l’équilibre, qui s’est très progressivement et lentement rétabli. Finalement j’ai à nouveau l’immense plaisir de retrouver des perceptions de sons à 100% ». Musicienne à ses heures Toujours passionnée de musique, la fribourgeoise d’adoption décide d’exercer ses nouvelles oreilles et de reprendre des leçons de violon, même si les premiers coups d’archet grincent et paraissent horribles. Elle obtient son certificat en musique et joue auprès d’un orchestre symphonique de Genève durant cinq ans. Depuis, elle évolue auprès de l’orchestre fondé par des anciens de l’Université de Fribourg et placé sous l’égide du Mouvement des aînés (MDA) de Fribourg. « Des retraités ou des presque retraités avec qui j’adore jouer… et qui m’apprennent amicalement à préparer ma future retraite en musique ! », conclut Isabelle avec doigté. Voilà une belle leçon de vie au rythme profondément humain !  
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