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Codeuses-interprètes: l’art de « parler » aux malentendants

15 mai 2013

Publié le :

C’est un métier peu connu, discret et aussi exigeant qu’indispensable. En deux décennies, les codeuses-interprètes ont aidé des générations entières de malentendants à accéder à la compréhension, grâce au Langage Parlé Complété (LPC). Principaux bénéficiaires: les plus jeunes qui grâce à elles ont pu suivre une scolarité fructueuse. La plupart des jeunes malentendants les connaissent bien. Les moins jeunes quant à eux, ont sûrement eu l’occasion de les voir à l’un ou l’autre des congrès organisés chaque année par forom écoute. Il s’agit des codeuses-interprètes, ces dames qui ont mis leur talent au service des sourds et malentendants. A l’heure actuelle, elles sont environ une quarantaine en Suisse romande, à avoir recours au Langage Parlé Complété (LPC), une technique basée sur un code développé avec les mains destiné à transmettre des messages oraux aux personnes ayant des problèmes d’audition. « Il s’agit d’une technique phonétique accompagnant la lecture labiale qui permet de rendre visible tout ce qui est oral », explique Monique Masur, maman d’un enfant malentendant aujourd’hui adulte, et codeuse-interprète en Suisse romande depuis une vingtaine d’années. « Mise en image » Le rôle d’une codeuse est donc, en théorie du moins, extrêmement simple, puisqu’il s’agit de restituer à la personne malentendante à la fois le discours prononcé par un locuteur, mais aussi toute information acoustique perçue lors de son intervention. Mais attention: le Langage Parlé Complété n’a rien à voir avec la langue des signes (LSF), qui est une langue à part entière. Le LPC est plutôt, comme le résume encore très joliment Monique Masur, « une mise en image du français ». « Le LPC, ajoute Isabelle Langer, une ancienne infirmière lausannoise qui travaille comme codeuse depuis une douzaine d’années, permet le respect de la structure même de la langue au niveau grammatical. Il rend visible par des gestes tous les sons qui se confondent au niveau de la lecture sur les lèvres, comme par exemple le « p », le " me " et le « b » !» Sans surprise, environ 90% du travail des codeuses-interprètes se fait en milieu scolaire et 10% seulement pour le soutien d’adultes sourds en milieu professionnel, dans le cadre de conférences ou de colloques par exemple. [caption id="attachment_1710" align="alignnone" width="408"] Monique Masur et Isabelle Langer[/caption] « Le LPC et la présence de codeuses-interprètes a permis à de nombreux bénéficiaires de suivre une scolarité en milieu normal, d’acquérir une profession et de l’exercer », se réjouit Isabelle Langer. « Auparavant, ajoute Monique Masur, les enfants ayant des problèmes d’audition étaient tout simplement déracinés dans des internats. Le LPC leur a permis de rester dans leur village et leur milieu familial. C’est dans les années 80 que de nombreuses familles ont commencé à pratiquer le LPC avec leurs enfants. On a alors observé que ceux-ci se développaient très bien en termes d’oralisme et qu’ils s’intégraient mieux dans le milieu scolaire que les autres enfants malentendants. » A bras ouverts Et pour cause: face à un enseignant qui tourne souvent le dos à sa classe, la lecture labiale n’est que d’un faible intérêt. Résultat: le LPC a progressivement fait la conquête des écoles. Un grand progrès mais qui résume à lui seul la difficulté d’exercer cette profession pas tout à fait comme les autres. En classe, la codeuse-interprète travaille en solo avec l’enfant, tout en s’insérant dans une logique pluridisciplinaire comprenant les logopédistes, les enseignants spécialisés, les parents et bien entendu l'enseignant. Au final, une codeuse-interprète est, pour reprendre encore une expression de Monique Masur, « une sorte de pièce rapportée ». Toujours présente, elle doit savoir se fondre dans la dynamique de la classe sans la perturber, transmettant à la fois le langage et la vie de la classe. « Parfois, nous sommes accueillies comme des intruses, et nous avons toutes eu des cas où nous étions perçues comme l’œil de Moscou, se souvient Isabelle Langer. Mais dans la très grande majorité des cas, nous sommes accueillies à bras ouverts car notre crédibilité vient de tout ce que l’on peut apporter à l’enfant déficient auditif ». Rens. Association suisse des codeuses et codeurs-interprètes en LPC (ASCI,) Monique Masur 021 922 84 91. www.asci-lpc.ch Association suisse pour le Langage Parlé Complété pour sourds et malentendants (ALPC). www.alpc.ch Fondation a cappella, www.a-capella.ch Ch.A. [zone]Une profession née de la ténacité des parents Le Langage Parlé Complété (LPC) a été inventé il y a environ 50 ans aux Etats-Unis. Mais c’est un pasteur genevois qui, au tout début des années 70, tenta de l'adapter au français, sans succès, car cette technique avait été à l’époque jugée trop compliquée. Une dizaine d’années après son décès, à l’aube des années 80, des Français s’y intéressèrent et fondèrent une association pour en promouvoir la pratique. En 1981, une famille suisse dont un des enfants était sourd, créa l’Association pour le Langage Parlé Complété. Puis une maman s'est déplacée en France pour se former comme codeuse-interprète. « Toute l’histoire du code en Suisse, observe Monique Masur, se confond avec celle des parents d’enfants sourds et malentendants ». Rapidement et sous l’impulsion des familles, se mettent en effet en place des formations de codeuses-interprètes. Reconnue par l’Office fédéral des assurances sociales, cette formation d’une durée de deux ans en cours d’emploi est aujourd’hui en période de transition institutionnelle, la Confédération souhaitant en transférer la charge financière aux cantons. Les codeuses-interprètes, dans leur immense majorité des femmes, sont dotées d’un statut d’indépendantes. Pour beaucoup d’entre elles, cette activité représente un revenu plus ou moins accessoire, au gré de leur charge de travail, imprévisible.[/zone]
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