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« On ne devient pas riche avec ce métier »

24 novembre 2021
Publié le :
Concurrence des grandes enseignes, risque économique, prix et remboursement des appareils auditifs, achats à l’étranger, liens avec les patients… Ancien professeur de musique, audioprothésiste indépendant installé à Yverdon-les-Bains depuis 8 ans, Raphaël Furioux revient sur tous les sujets qui touchent à son métier.
Pourquoi avoir choisi le métier d’audioprothésiste ?
A la base, je suis pianiste et professeur de musique, que j’ai enseignée au collège pendant 12 ans. A un moment, j’ai eu envie de faire autre chose, mais dans un domaine qui allie à la fois la musique, le son et la technique. L’audioprothèse avait ce double aspect. Après 3 années d’études, j’ai donc obtenu mon brevet fédéral en 2010, puis j’ai travaillé chez Amplifon, puis à Acousticentre ,l’actuel Acuitis. En novembre 2014, j’ai décidé de me mettre à mon compte.
Pourquoi avez-vous fait le choix de l’indépendance ?
Pour travailler comme je le souhaite, décider du temps que je consacre à chaque patient, choisir quel examen ou quel test je peux faire, même si la prestation n’est pas forcément lucrative… A titre d’exemple, l’adaptation des musiciens, ou l’accompagnement de personnes acouphéniques, sont très chronophages.
Cela a été difficile de franchir le pas ?
Ce qui a été difficile, c’était de vivre sans sécurité financière visible. Ainsi, je me suis endetté pour me lancer, avec un prêt à la banque et en investissant mon 2ème pilier. Ensuite, les premiers mois, il a fallu vivre sans salaire, le temps que la clientèle vienne.
On vit bien en tant qu’audioprothésiste indépendant ?
On ne devient pas riche avec ce métier, d’autant qu’avec un système où je facture à l’acte, je ne m’en mets pas plein les poches. Cela dit, je vis correctement même si avec la pandémie, cela a été un peu serré et il faut toujours faire attention quand on fait ses courses...
Vous travaillez beaucoup ?
J’essaye de ne pas dépasser les 45 heures de travail chaque semaine pour préserver mon équilibre personnel et ma famille. Ce qui compte pour moi, c’est de continuer à aller travailler avec le même plaisir, de faire en sorte que chaque client retrouve la joie d’entendre et de vivre… L’autre satisfaction est la diversité de mon travail : je suis non seulement audioprothésiste avec mes patients, mais aussi manager d’une petite entreprise qui gère un personnel, des fournisseurs, même si ce travail en dehors du client me prend facilement deux heures par jour…
Quel lien entretenez-vous avec les patients ?
C’est très personnel, un lien se crée pendant le travail et même si certains clients sont très exigeants, la plupart finissent par se rendre compte que c’est au niveau du cerveau que beaucoup de choses se jouent et pas seulement en termes de réglages des appareils. Pour moi, ce qui compte c’est d’être le plus pédagogue possible car un patient bien informé acceptera mieux de faire le chemin indispensable pour qu’au final son appareil lui convienne bien.
Que dites-vous à ceux qui pensent que l’appareillage auditif est trop cher ?
Je comprends très bien, mais il faut aussi se dire qu’il s’agit d’un matériel de haute technologie, même si, c’est vrai, il y a en Suisse, pour un même appareil, une grosse différence de prix par rapport aux autres pays. Quant au service de l’audioprothésiste, je considère qu’il n’est pas très cher, compte tenu du fait que l’on assume des charges de niveau suisse, loyer, personnel, assurances et frais de marketing. Sans compter qu’en tant qu’indépendant, il faut aussi tenir compte des formations continues que l’on suit, sur son temps libre ou sur son temps de travail, pendant lequel on n’est pas payé. Au final, tout travail a un coût et si une prestation est proposée gratuitement, comme un test auditif par exemple, il faut toujours se demander qui la paye…
Que pensez-vous du dispositif forfaitaire de l’AI qui permet d’acquérir des appareils à l’étranger ?
J’ai de plus en plus de personnes qui ont eu recours à cette possibilité et qui viennent chez moi car il est de plus en plus compliqué d’aller en France avec le covid, etc. A l’étranger, l’appareil est moins cher en soi, c’est vrai, mais ce n’est plus vraiment le cas si on prend en compte le coût des trajets et le temps consacré. En tout cas, ici ou à l’étranger, j’encourage toujours le client à se renseigner et à demander le détail de sa facture, car on y met tout et n’importe quoi. Lorsque le client demande le détail, aussi bien l’audioprothésiste que le fournisseur de l’appareil doivent justifier leurs prix, ce qui évite des surprises et des coûts cachés.
Comment le métier a-t-il évolué au cours de la dernière décennie ?
On vit clairement un marketing de plus en plus agressif de la part des grandes chaînes. Avant, cela se passait bien, mais je trouve maintenant que cela glisse vers le déloyal : elles mettent désormais de gros moyens en téléphonant directement aux clients pour présenter des avantages comparatifs par rapport aux indépendants qui ne sont pas toujours justes.
Comment vous adaptez-vous ?
Je dois augmenter mon budget marketing chaque année, car le bouche-à-oreille ne suffit plus, il faut être présent sur les réseaux sociaux, montrer aux médecins qu’on est là, alors que les grandes chaînes ont des représentants partout. Disons que ce n’est pas l’aspect que je préfère dans le métier…
En dix ans, les appareils aussi ont évolué…
Et comment ! On a désormais la chance d’avoir des appareils de grande technologie avec une grande qualité sonore et la possibilité de faire de nombreux réglages. Ces possibilités nous imposent en tant qu’audioprothésiste, d’investir dans du matériel, mais c’est un vrai plus pour les malentendants, même si bien sûr, nous ne sommes pas des magiciens…
Au final, le système fonctionne-t-il bien en Suisse ?
Les dernières études montrent qu’il fonctionne bien pour la majorité des gens. En ce qui me concerne, je constate cependant que nos interlocuteurs du côté des assurances, AVS, AI, SUVA etc., ne sont pas suffisamment formés pour juger de la pertinence de tel ou tel appareillage selon le cas de chaque patient.
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